Histoire

HISTOIRE

 

La famille de Mestral remonte, par titres authentiques, à l’année 1306. A cette date, Louis II de Savoie, sire de Vaud, par acte fait à Prangins le 21 mai, donne à Pierre, fils de feu Estienne de Mont, dit de Layderrier, vivant en 1248, en échange de ses francs alleux désormais soumis à fief, et en récompense de ses bons services, la mestralie dans tout le mandement de Mont-le-Vieux, c’est-à-dire sur toute La Côte jusqu’à Begnins et sur le plateau de Gimel. Si cet Estienne peut être identifié avec Estienne, fils de Jacques de Mont dit Mestraz, cité en 1258, la famille aurait exercé la charge du mestral dans la seigneurie de Mont déjà du temps des sires de Prangins, dépossédés en 1293 par le comte de Savoie. Mais il n’y a pas de certitude sur ce point. Au bout de quelques années, le nom de la charge devint notre nom de famille.

Cette charge de mestral consistait notamment, à l’époque, à percevoir pour le compte du seigneur certaines redevances et corvées qui lui étaient dues. Une partie allait au sire de Vaud, et une autre
restait au mestral. Il était aussi chargé de contrôler les poids et mesures.

Les alleux que Pierre remettait à Louis II de Savoie étaient des terres patrimoniales tenues par droit héréditaire et ne dépendant d’aucun autre seigneur. En rendant ces alleux à Pierre sous forme de fief sous hommage lige, le sire de Vaud lui en retransmettait la jouissance totale, mais à charge pour Pierre de fidélité et de service à lui seul, en particulier de service armé.

Louis II de Savoie était un personnage d’envergure, qui joua un rôle important dans la politique européenne de son temps, notamment en Italie et en France. Il était cousin de l’empereur Henri VII de Luxembourg. Il fut élu sénateur de Rome pendant deux ans pour y préparer le couronnement de l’empereur par le pape. Il n’est pas sans intérêt de remarquer que c’est un suzerain de cette dimension politique qui a jugé bon de s’attacher notre ancêtre Pierre, mestral de Mont, comme il l’a fait.

La famille est originaire de La Côte. Elle est de noblesse féodale, ou d’extraction chevaleresque (selon les historiens). On parle aussi de noblesse d’épée, ou terrienne, par opposition à la noblesse de robe. Il n’y a pas d’acte d’anoblissement de la famille. François, fils de Pierre, porte le titre de « domicellus » (donzel en français), et Jean est « miles » (chevalier en français) en 1362. Ce sont des titres nobiliaires, conférés à titre personnel par le suzerain, non héréditaires. En revanche, la famille n’a jamais eu de titres héréditaires, baron, comte et plus élevés (Philippe, Frédéric a été créé baron en Bavière, mais n’a pas eu de descendance, et son titre s’est éteint).

Dès 1306, la fortune de la famille grandit d’une manière rapide : les Mestral ont acquis par mariage, achat, héritage ou échange, de nombreuses terres, seigneuries ou coseigneuries, qu’ils ont conservées pendant plusieurs siècles. C’est ainsi que, entre autres, le château de Vincy est demeuré dans la famille de 1306 à 1718, soit pendant douze ou treize générations, la seigneurie d’Aruffens (Fribourg), près de Romont (Fribourg), pendant quatre siècles, soit de 1474 à 1840, date de l’abolition des droits féodaux dans le Canton de Fribourg, la seigneurie d’Outard de 1542 à 1768, soit plus de deux siècles, Coinsins de 1546 à 1707, Pampigny de 1560 au début du XXe siècle. Le château de Vullierens fut bâti pour Gabriel-Henri I tout au début du XVIIIe siècle; celui de Saint-Saphorin-sur-Morges nous vint par héritage en 1727. La maison d’Aspre à Aubonne fut acquise en 1701; le château d’Etoy, échangé avec celui de Coinsins en 1806, est encore entre les mains de la famille. Passons sur les vignes, les terres et les forêts. C’est dire que les Mestral  ontle goût de la terre chevillé à l’âme. La plus ancienne propriété que nous ayons actuellement est le
domaine de la « Maison Blanche » à Mont-sur-Rolle, acquis en 1528, soit encore sous le régime savoyard.
Cette politique d’agrandissement territorial est allée tout naturellement de pair avec une série ‘alliances, assez brillantes pour l’époque, avec d’anciennes maisons féodales, comme les Colombier, Gingins, Clermont, Neuchâtel, Praroman, Allinges, Pesme. La plupart de ces familles sont éteintes aujourd’hui, comme d’ailleurs la majorité des différentes branches de la nôtre. Le phénomène est assez général au Pays de Vaud.

A côté de cet attachement à la terre, qui est certainement le trait le plus constant de la famille, les Mestral ont toujours eu, dès l’origine, un goût prononcé pour le métier des armes.

On en trouve en effet dans tous les pays et sur la plupart des champs de bataille d’Europe, au rance, du Piémont, du Portugal, de Saxe, de Russie, de Bavière, de Naples, d’Angleterre, de Hollande ou de Pologne. Capitaines ou majors, colonels ou officiers généraux, ils s’en revenaient, ou non, car le service militaire à l’étranger a toujours fait une grande consommation d’officiers et de soldats.

Parmi ces militaires souvent aventureux et bagarreurs, il en est auxquels il convient de réserver une place à part : Jean, chevalier « miles » en 1362 (le seul dont cette qualification soit prouvée par titres); il avait épousé en secondes noces la fille de François de la Sarra, bailli de Vaud. Puis un autre Jean, né en 1488, seigneur d’Aruffens et de Vincy, chef d’une compagnie de 500 hommes pour le compte du roi François 1er en 1521; c’est avec ces 500 Vaudois qu’il a participé à la bataille de la Bicoque, près de Milan, en 1522; membre de la confrérie des Gentilshommes de la Cuiller, il dut payer une rançon de 300 couronnes d’or pour être resté fidèle à son prince savoyard lors de la conquête bernoise en 1536. Antoine (dit Louis), né en 1650, commandant du régiment de Mestral au service d’Angleterre puis de Hollande; le régiment prit part, entre autres, à la bataille de Malplaquet en 1709. Gabriel-Henri I, aide de camp du général de Sacconay à la bataille de Villmergen en 1712. Philippe, Frédéric, général en Bavière, mort en 1812, qui reçut le titre de baron.
En regard de ces militaires, un diplomate de carrière, le seul de la famille. Petit-fils du général de Pesme, qui avait été comme on sait ambassadeur d’Angleterre à Vienne, Armand, François, Louis, dit M. de Saint-Saphorin, devait représenter le roi de Danemark successivement à Dresde, Varsovie, Moscou, Madrid, La Haye et Vienne, au XVIIIe siècle. Il était chevalier des ordres de l’Aigle Blanc et de Saint-Stanislas.

Nous en venons à un autre trait marqué dans la famille : les vocations religieuses. Au XVe siècle déjà, on trouve un Antoine Mestral, tour à tour prieur de Saint-Jean à Grandson, abbé de Saint-Jean de Cerlier, prieur de Cluny (Saône-et-Loire) et moine de la Chaise-Dieu (Auvergne). A peu près en même temps, Amédée sera tour à tour prieur de Broc, en Gruyères, puis de Riggisberg (Berne) et vicaire amodiataire de l’abbaye de Payerne. Jacques, prieur de Cossonay en 1531-1536. Entre le XVIIIe et le XXe siècle, on voit éclore une série de vocations religieuses: Henri-Georges, tout d’abord; vers la fin de l’ancien régime, il occupe passagèrement le château de Lucens, en qualité de capitaine des troupes levées pour combattre la révolution et l’invasion étrangère; il ne sera pas plus heureux lorsqu’à la chute de Napoléon 1er il remplira une mission auprès des alliés au nom de l’aristocratie vaudoise; homme d’action, allant volontiers à contrecourant,
il atteindra le grade de lieutenant-colonel dans l’armée fédérale; cela ne l’empêchera pas d’être un adepte fervent de l’Église libre du Canton de Vaud, dès sa fondation en 1845; son toit hospitalier de la maison d’Aspre, à Aubonne, servit longtemps de lieu de culte pour la région. De son côté, Charles, Henri, Salomon, après avoir participé à la campagne de 1815 au service de la Russie et s’être engagé ensuite au service de la Bavière, rentre au pays, s’installe au château de Vullierens, et se consacre dès lors au mouvement religieux connu sous le nom de « Réveil »; il
meurt en 1855. A signaler encore dans la branche aînée, Philippe, Charles, Albert, pasteur au Brassus, dans la Vallée de Joux; il fut un partisan de la fusion des églises nationale et libre sous le nom d’Église évangélique réformée du Canton de Vaud.

La branche cadette d’Etoy a fourni, elle, plusieurs générations de Ministres du Saint-Évangile,
pour reprendre ici l’ancienne appellation : Armand, Gabriel, Eugène, Henri, ancien élève de Toepffer, avec lequel il a participé aux fameux « Voyages en zigzag »; tout d’abord partisan du « Réveil » religieux au Canton de Vaud, il se rapprochera avec le temps de l’Église anglicane et se fera finalement inscrire comme membre du corps pastoral vaudois (Église nationale); esprit oecuménique et indépendant, il était attiré par l’idée du rapprochement entre les diverses églises chrétiennes (protestante, romaine, orthodoxe); si ses première brochures écrites dans ce sens ont
rencontré une forte opposition, il a publié, en 1870, un ouvrage intitulé « Tableau de l’Église chrétienne », qui paraît avoir éveillé l’intérêt de nombreux connaisseurs, du comte de Montalembert en particulier, le brillant champion du catholicisme libéral, avec lequel il a entretenu une longue et fidèle correspondance; il s’est éteint au château d’Etoy où il s’était retiré. Un de ses fils, Armand, Pierre, Frédéric, a déployé lui aussi une grande activité pastorale et sociale en France et en Suisse romande. Son fils Claude, Bertrand, Renaud, et son petit-fils Patrice, Gabriel, Armand, se sont à leur tour engagés dans la carrière pastorale.

Un trait nouveau dans les annales de la famille, c’est l’importance croissante des professions libérales et scientifiques. Des ingénieurs, des juristes, des médecins prennent la relève des anciens militaires. Songeons notamment à George, Henri, François-Louis, ingénieur diplômé de l’École Polytechnique Universitaire de Lausanne (EPUL), inventeur de la bande adhésive « Velcro », qui a fait le tour du monde, et a tapissé l’intérieur des cabines des cosmonautes qui se sont posés, en 1969, pour la première fois sur la lune; il a été honoré, à Paris, de la médaille d’or de la Société du progrès et du développement, pour l’ensemble de ses réalisations, et plus particulièrement l’invention du « Velcro »; il a reçu sa médaille de la main du prince Louis de Broglie, prix Nobel de physique, membre de l’Académie française et de l’Académie des sciences. Citons enfin Laurent, François, Charles, président émérite du Tribunal cantonal vaudois.

Depuis peu de temps, on assiste à la dispersion croissante de la famille. Si l’on trouve heureusement encore un certain nombre de Mestral au Pays de Vaud, plusieurs se sont établis au Canada et surtout au Paraguay.

« SANS VARIER » : puisse notre devise s’exprimer à l’avenir, chez nous tous, où que nous vivions, dans le maintien des qualités qui ont fait notre force.

SOURCES : archives de la famille de Mestral – État civil – Dictionnaire historique du Canton de Vaud, par Eugène Mottaz – Verdeil, Histoire du Canton de Vaud, Lausanne, 1850 – G. de Lessert, le château et l’ancienne seigneurie de Vincy, Genève, 1912.